L'IRRESISTIBLE ASCENSION DE L'INSOLENTE MARION / EMMA DEBROISE

Page spectacle
Extrait de texte
La vie de Marie Tromel
Le mot de l'autrice

Copyright  © À visage découvert 2024 - Tous droits réservés - Mentions légales - Contact

ALLER PLUS LOIN

contexte historique - bandits / rebelles célèbres - bibliographie

CONTEXTE HISTORIQUE
Terreau fertile pour les bandes de voleurs

Marion vit au 18ème siècle où les femmes ne sont rien, où elles ne sont destinées qu’à devenir la propriété de leur mari, à s’effacer. 

C’est le siècle des Lumières mais pas en Basse-Bretagne. La région est très éloignée de la capitale et la loi est aux mains de quelques privilégiés. Ainsi les pauvres le restent et seuls les moins faibles survivent.
Chez les Tromel on apprend la mendicité. Le père était ouvrier agricole et louait ses bras à la journée pour un salaire misérable (env. 2,50€/jour)

La Grande Famine – Comme celle de 1693-94 due à un hiver très rigoureux, la grande famine de 1709 dura jusqu’en 1713 a eu des répercussions sur les récoltes futures. Elle causa une flambée des prix des céréales (plus de 10 fois le prix de l’année précédente) et entrainé une crise financière. Il y eut 600 00 décès, soit 3% de la population de l’époque. Il y eut beaucoup d’autres famines ensuite. En 1714, 1720, 1725, 1740, 1741, 1752…
La disette provoqua la mauvaise nourriture et favorisa les épidémies.

Les impôts – Alors que le montant de la taille (impôt direct très impopulaire car les nobles, le clergé et les bourgeois des grandes villes en sont affranchis) est réduit un autre impôt est levé : l’impôt du dixième. Mais il y a aussi la gabelle, les rentes, les dîmes, les fouages, les novales, le champart, les lods, la capitation, le vingtième, le centième denier, les devoirs d’impôts et billot sur les boissons, les droits de travers et de pontonnage pour traverser les domaines des seigneurs, les droits de foires et de marchés, d’étalage, de bouteillage, de minage, de halage, de havage, de méage et rebillotage… Sur une France exténuée on comprend mieux les révoltes qui pointent… 

Les révoltes – En 1675 c’est la révolte du papier timbré, plus connue en Basse Bretagne sous le nom de Révolte des Bonnets rouges. La Bretagne comprend 10% de la population du royaume et, épargnée par les disette et les épidémies elle subit maintenant les effets de la politique de guerre  économique de Louis XIV. La révolte est souvent menée par des femmes. À cette époque, la législation royale est de plus en plus draconienne à l'encontre des femmes, tous leurs droits sont diminués, aussi bien leurs droits économiques que civils (elles ne peuvent plus choisir leur époux par exemple) Ceci heurte dans un pays où la femme occupe traditionnellement une place très importante, et on en trouve mention dans les codes paysans.  De cette révolte s’ensuit une très forte répression. De nombreux paysans sont pendus aux arbres, d’autres envoyés aux galères. Le roi ordonne d’araser les clochers qui ont sonné le tocsin pour mobiliser les paysans. Après cela et des années durant, la Bretagne est ruinée par l’occupation militaire.  Les bretons muselés détestent les français et surtout son administration. 

« Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins du poids qu’on leur donne ». Duc de Chaulnes, 21 août 1675, août 1675, in La Borderie, t. 5, p. 518.

« Ils s’amusent à voler, ils mirent l’autre jour un petit enfant à la broche. Toutes ces troupes de Bretagne ne font que tuer et voler ». Madame de Sévigné, décembre 1675, in La Borderie, t. 5, p. 531.

Le petit peuple – Le regard que jettent leurs contemporains sur le bas peuple est à peine humain.  Considérés comme la lie de la société le sort des humbles était peu enviable. Pauvres hommes négligés et dédaignés ils ne savaient rien. Exploités et terrorisés par les intendants, régisseurs et procureurs fiscaux de leurs maîtres, par les huissiers et sergents, ils se plaignaient parfois mais personne n’écoutait leur plainte.

« Ils ont, logés chez eux, jeté leurs hôtes et leurs hôtesses par les fenêtres, battus et excédés, violé des femmes en présence de leurs maris, liés des enfants tout nus sur des broches pour vouloir les rôtir ; (ils ont) exigé de grandes sommes de leurs hôtes, et commis tant de crimes qu’ils égalent à Rennes la destruction de Jérusalem ». Journal d’un bourgeois de Rennes au XVIIe siècle, in La Borderie, t. 5, p. 532.

« On dit qu’il y a cinq ou six cents bonnets bleus en Basse-Bretagne
qui auraient bien besoin d’être pendus pour leur apprendre à parler. » Mme de Sévigné dans une lettre à sa fille datée du 3 juillet 1675.

C’était exceptionnel d'être femme et cheffe de bande. "C’est d'ailleurs en grande partie pour cela qu’elle est restée célèbre. Ses compagnons successifs ont eu l'intelligence de reconnaître sa supériorité en organisation et en commandement, et c'était une chose rare pour des hommes du XVIIIe siècle.

Marion du Faouët présente une double originalité : être une femme, mais aussi avoir duré si longtemps. Elle a commencé vers 1735, à une vingtaine d’années, et a été pendue en 1755. Une carrière de 20 ans dans le brigandage, c’est exceptionnel – Mandrin, le plus célèbre, a connu une longévité de seulement 18 mois. Cartouche, une demie douzaine d’années…

Il faut dire qu'elle se livrait à un brigandage de faible intensité. Contrairement à sa légende, elle se gardait bien de s’en prendre à des puissants ; elle se contentait de rançonner les gens du peuple à hauteur de leurs moyens. Elle évitait la violence autant qu’elle pouvait.

Ses revenus provenaient surtout de contrebande, de vol et de commerce de bétail – sans payer de taxes… Elle vivait comme une sauvageonne au milieu des bois, au jour le jour, avec son mari et ses hommes qui étaient souvent se amants. C’était une vie de ripaille. Sa légende est d’autant plus vivace que son dossier a été conservé.On peut reconstituer sa vie assez facilement. " (in Retronews, Les brigands : terreurs des bois français, du XVIIe au premier XXe siècle, interview avec Bernard Hautecloque, historien et écrivain, 8/10/2019)

BANDITS / REBELLES CÉLÈBRES

Le marquis de Pontcallec a été décapité à Nantes en 1720, avec 3 autres membres de la noblesse bretonne pour avoir voulu faire une république de Bretagne. En 1717, le Parlement de Bretagne s’oppose à la levée de nouveaux impôts. Le marquis organise une conjuration bretonne dont le but est de rétablir la souveraineté de l’ancien Duché dans ses droits historiques bafoués par le pouvoir royal.
Louis Dominique Cartouche (1/2 - 2/2)  a surtout sévi à Paris comme chef de bande. Dénoncé par un de ses comparses il fut arrêté et soumis à la question sans jamais rien avouer. Il fut roué vif en place de Grève à Paris en 1721. Au moment où il succombe, beaucoup de parisiens sont émus par son sort. Dès lors se forge des légendes, souvent bienveillantes,  d'un roi des voleurs, agile et rusé.
• Le contrebandier Louis Mandrin a sévi à la même époque. Il s'est révolté contre la Ferme générale, sorte de racket de l'État. « Ce Mandrin a des ailes, il se déplace à la vitesse de la lumière. Il fait trembler les suppôts du fisc. C’est un torrent, c’est un grêle… Et le peuple aime Mandrin à la fureur », écrivait ainsi la Gazette de Hollande… Voltaire écrit aussi sur le brigand : « On prétend à présent que Mandrin est dans le cœur du royaume à la tête de six mille hommes déterminés, que les soldats désertent par troupes pour se ranger sous ses drapeaux, qu’il […] se verra bientôt à la tête d’une grande armée. Il y a trois mois, ce n’était qu’un voleur, c’est à présent un conquérant… Ce brigandage peut devenir illustre et avoir de grandes suites. » Il finit roué vif à Valence dans la Drôme en 1755.

BIBLIOGRAPHIE

La pièce a été inspirée et documentée par les ouvrages suivants :
• ANDRIES L. (dir.), Cartouche, Mandrin et autres brigands du XVIIIe siècle, Paris, Desjonquères, coll. « L’esprit des lettres », 2010.
• AUDIBERT A., Marion du Faouët, Éd.  Jean-Paul Gisserot, 1995
• BAUDRY J., La Bretagne à la veille de la Révolution, T1,
• BAUDRY J., LE Manoir du Poul et ses seigneurs, Saint-Brieuc Imprimerie-librairie de René Prud'homme, 1916
• BORGELLA C., Marion du Faouët, brigande et rebelle, Robert Laffont, 1997
• BRUYÈRE M., Les Aventures de Marion du Faouët, Liv’Éditions, 1996
• BRUYÈRE M., Marion du Faouët ou la révolte des gueux, Oskar, 2013
• CHAUFFIN Y., La Marion du Faouët, Éditions de la Table Ronde, 1960, Liv’Éditions, 1995, 200, 2006
• CHEVAL F., Marion du Faouët, Coll. Pays de Légendes, Beluga/Coop Breizh, 2016
• CORNETTE J., La Bretagne révoltée de 1675 et de 2013, colère rouge et concordance de temps, Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh, 2016
• CORNETTE J., Histoire de la Bretagne et des Bretons, T2 Des Lumières au XXIe siècle, Coll. Points, Éd. Du Seuil, 2005
• DE ROINCE J., Marion du Faouët, chef de bande, Revue Historia N°161, p. 462, 1961
• FAVART M., Marion du Faouët, chef de voleurs, Téléfilm, France 2, 1997
• HÉLARD-COSNIER C., Marion du Faouët, la catin aux cheveux rouges, Théâtre, Éd. Pierre Jean Oswald, 1975
• HERSART DE LA VILLEMARQUÉ, Barzaz Breizh, Librairie Académique Perrin, 1963
• IMBROHORIS J.-P., Marion du Faouët, Presse Office, Éditions Filipacchi, 1988
• IMBROHORIS J.-P., La Flibustière, les nouvelles aventures de Marion du Faouët, Grasset, 1981
• LOREDAN J., Marion du Faouët et ses « associés », la Grande Misère et les Voleurs au XVIIIème S., Liv’Éditions, 1995
• MICHON et ROUXEL, Brigande ! Marion du Faouët, Vie, amour et mort. Bande dessinée, Locus Solus, 2019
• TRÉVIDY J., Marion du Faouët, Chef de voleurs, Études bretonnes, Rennes, Quimper, Vannes, 1890